"J´ai de gros soucis pour le tandem franco-allemand."

Interview mit Hans-Werner Sinn, Les Echos, 12.11.2013

Standard & Poor's vient de réduire la notation de la France. Qu'en pensez-vous ?

La France a une dette publique élevée et un problème de compétitivité. Selon les estimations de Goldman Sachs, la France doit devenir 20 % moins chère pour retrouver sa compétitivité dans la zone euro. L'industrie française se réduit et ne représente plus que 9 % de la création de valeur. La France a un secteur public trop important qui représente 56 % du PIB, au deuxième rang dans l'OCDE. Les emplois disparus dans l'industrie sont rapatriés vers l'Etat. Enfin, les banques françaises ont une exposition relativement importante aux pays européens en crise.

Le décrochage entre la France et l'Allemagne vous inquiète-til ?

Bien sûr. J'ai de gros soucis pour le tandem franco-allemand. L'axe politique est indispensable pour l'intégration européenne, mais il a besoin de deux partenaires forts et du même niveau. Dans le cas de la France, cela reste le cas sur une longue perspective grâce à la croissance démographique, mais pour le moment, l'économie française n'est plus compétitive. Certes, elle dispose de secteurs puissants comme l'énergie nucléaire, les cosmétiques, le luxe ou l'aéronautique, mais il lui manque une offre de produits large et digne d'une industrie moderne.

Le gouvernement actuel fait-il le nécessaire ?

Non. Absolument pas ! Il ne réussit même pas à imposer ses propres projets comme on vient de le voir avec la suspension de l'écotaxe. Il n'est pas capable d'agir et a trop longtemps ignoré la gravité de la situation. La France a besoin d'un programme de réformes du marché de l'emploi et une politique de rigueur pour retrouver sa compétitivité. La dernière chose dont elle a besoin est de contracter de la dette. Je trouve d'ailleurs pervers qu'on parle en France de politique de la croissance et qu'on pense en réalité à s'endetter.

Le gouvernement a pourtant annoncé des mesures pour réduire le déficit...

Oui, mais les mesures se concentrent sur les recettes fiscales et non pas sur la réduction des dépenses de l'Etat, qui sont beaucoup trop importantes en France. Si vous vous posez la question de savoir quel est le dernier pays socialiste en Europe, c'est la France. Avec un secteur public qui pèse pour 56 % du PIB, seul le Danemark fait plus et partage les problèmes de la France.

Par Thibaut Madelin