Il n'y aura pas de nouveau cycle de croissance tant que nous n'aurons pas débarrasseé l'économie des enterprises non compétitives

Hans-Werner Sinn

Échanges Internationaux - Magazine du Comité Francais de la Chambre de Commerce Internationale, No. 104, December 2015, p. 14.

President de l'IFO, l'institut de conjoncture de Munich et professeur d'economie et de finances publiques a l'Universite de Munich, il est l'un des economistes les plus influents d'Allemagne. II est aussi repute pour son franc-parler, notamment sur l'avenir de la zone euro.

Échanges lnternationaux. L'economie mondiale pourrait-elle connaltre durablement un taux de croissance plus modeste?

Hans-Werner Sinn. ll semble que ce soit effect ivemen t une possibilite pour le moment, des lors que certains grands pays emergents, tels le Bresil, la Chine ou la Russie sont confrontes simultanement a des difficultes, pour des raisons diverses. En outre, L'Europe de l'Ouest souffre egalement d'un desajustement des prix relati fs associe a l'euro. La monnaie unique a favorise la formation d'une bulle du credit, laquelle laisse derriere elle, apres explosion, des economies dont les couts sont trop eleves et les produits non competitifs.

E.I. A quoi pourrait ressembler le nouveau regime de croissance?

H.-W. S. ll n'y aura pas de nouveau cycle de croissance tant que nous n'aurons pas debarrasse les economies des entreprises et des institutions financieres non competitives. Pour y parvenir, les banques centrales doivent revenir a un regime normal de taux d'interet et les Etats doivent absolument en finir avec La ten tation de stimuler artificiellement la demande en cre usant les deticits, dans la pure tradition keynesienne.

E.I. Apres La crise de 2008, de nombreux experts pensaient que les pays emergents allaient tirer la croissance mondiale. Aujourd'hui, il semble que cela ne soit pas si simple...

H.-W.S. Les economies des pays emergents vont se redresser, mais il ne faut pas non plus oublier que de nouveaux pays se developpent eux aussi, a commencer par l'Afrique et le Sud-Est Asiatique. Quanta l'economie chinoise, plus specifiquement, elle va continuer de croltre en depit de la crise actuelle, meme si le rythme de cette croissance sera sans doute plus modeste que dans un passe recent.

E.I. Redoutez-vous les effets pervers de la politique monetaire accommodante des banques centrales sur l'economie reelle?

H.-W.S. Grace a un niveau de taux d'interet historiquement bas (proche de zero). de nombreuses banques «Zombies» ainsi que des entreprises non rentab les sont maintenues artificiellement en vie un peu partout dans le monde tandis que l'epargne mondiale est orientee vers des investissements improductifs et/ou inefficaces. ll est grand temps que les banques centrales reviennent a des niveaux de taux d'interet plus normaux et laissent les marches decider ou et comment investir cette epargne.

E.I. Quel aveni r voyez vous a l 'Europe au sein de l'economie globale?

H.-W.S. Oe mon point de vue, nous commettons une er reur en tentant de garder tous les pays au sein de la zone euro. Les prix relatifs des pays de la zone ont besoin d'etre reajustes mais la mise en ceuvre de ce processus n'est pas possible dans le cadre de la zone euro. Je pense qu'il serait plus efficace que tel ou tel pays sorte temporairement, devalue puis reintegre la zone euro plus tard sur la base d'une nouvelle parite monetaire.

E.I. Quelle initiative economique le tandem franco-allemand devrait-il prendre aujourd'hui?

H.-W.S. A mes yeux, la meilleure maniere pour le tandem francoallemand de donner a l'Europe une nouvelle impulsion serait de favoriser le developpement de l'u nion politique sans aller plus loin dans la mutualisation des pertes et des dettes, mutualisation qui s'accompagne toujours d'effets devastateurs associes au phenomene d'alea moral. Nous sommes deja alles trop loin dans cette forme d'union. Dans la perspective d'un monde de plus en plus incertain, nous avons en revanche un beso in urgent d'une veritable union

politique: il taut fusionner nos 28 armees nationales en une seule et nous donner les moyens de parler d'une seule voix en matiere de politique.