Hans-Werner Sinn: «L’Allemagne dépose deux fois plus de brevets que la France»

Hans-Werner Sinn

Le Figaro, 21.05.2015, S. 20.

Le directeur de l’institut économique IFO de Munich, Hans-Werner Sinn, est un économiste réputé pour ses positions très critiques sur l’union monétaire européenne. Propos Recueillis

LE FIGARO. - Existe-t-il selon vous un «modèle allemand» en matière de compétitivité?

Hans-Werner SINN. - La différence entre les économies allemande et française repose sur la forte présence d’entreprises familiales et de petites entreprises en Allemagne. À l’inverse, la France dispose de grandes entreprises. Beaucoup d’Allemands ne connaissent pas le nom des entreprises allemandes qui sont leaders dans leur secteur. Mais il y en a beaucoup. La compétitivité a deux dimensions. La première repose sur la productivité et la force d’innovation. On peut voir que l’Allemagne excelle dans ce domaine au nombre de brevets déposés. C’est plus du double de la France. L’Allemagne dispose aussi d’un système de formation professionnelle qui n’a pas son équivalent en France. Grâce à l’apprentissage très développé, beaucoup se mettent à leur compte et fondent des entreprises. La deuxième repose sur les prix. Or la France depuis l’introduction de l’euro est devenue toujours plus chère par rapport à l’Allemagne.

Certaines études montrent cependant que la productivité est en France supérieure à celle de l’Allemagne. Qu’en pensez-vous?

Il n’y a pas de mesure précise de la productivité. Tout dépend du nombre d’heures travaillées globalement. Moins vous travaillez, plus votre productivité est élevée: quand le taux de chômage augmente, alors la productivité globale augmente aussi si vous ne tenez

pas compte de la productivité zéro des chômeurs. Par ailleurs, les postes les moins productifs disparaissent aussi quand le salaire minimum est trop élevé. En Allemagne, il y avait donc plus d’emplois à faible productivité qu’en France. Mais des emplois à faible productivité sont toujours meilleurs que pas d’emploi du tout et sans productivité! Mais sur ce point l’Allemagne va changer. Depuis le début de l’année, il existe aussi un salaire minimum ici…

Le passage à «l’industrie 4.0» est-il le principal défi que doit relever l’Allemagne pour renforcer sa compétitivité?

Derrière ce concept, il s’agit d’améliorer l’automatisation et la logistique afin de permettre une meilleure coordination de la production. C’est une nouvelle opportunité pour augmenter la productivité. C’est l’un des principaux défis pour l’industrie allemande. Les pays asiatiques pèsent sur la compétition mondiale avec des bas salaires. Nous ne pourrons réussir à faire face que grâce à l’automatisation des procédés.

Que devrait faire la France pour améliorer sa compétitivité?

Je vois que le gouvernement français s’est lancé avec beaucoup d’insistance et de sérieux dans des réformes de structure. Je trouve que c’est un bon point de départ. Mais je ne veux pas commenter plus en détail la politique française.